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N° 13 |
29 mai 2009 |
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Les passionnantes élections européennes | ||||||||
L'agriculture à Saint Martin | ||||||||
Brève: un hovercraft à Saint Martin | ||||||||
Editorial | ||||||||
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Qu’il est beau le mois de mai….. Que des congés. Je ne me suis pas amusé à compter, mais le nombre de fois sur le mois où j’ai voulu faire quelque chose pour trouver porte de bois, ayant oublié que c’était l’une ou l’autre fête, est proprement sidérant. Par ailleurs, je suis quand même un peu perplexe sur la combativité de nos commerces qui ne sont pas tous tenus par des employé(e)s et que le ou la patronne aurait très bien pu maintenir ouvert. Car les touristes eux ne sont pas vraiment très au courant, ni très compréhensifs, au prix où ils ont payé leurs vacances, de trouver porte close. Dans le même temps, tout le monde se plaint des affaires qui s’effondrent. Il faut croire que ce n’est pas si catastrophique que cela puisque, non seulement ces patrons respectent des jours qui ne sont pas des jours fériés légaux, mais en plus semblent vouloir souscrire à la pratique des ponts, que dis-je, des viaducs qui enjambent allègrement 4 ou 5 jours. Dans le même temps, la partie hollandaise est bien moins fermée que nous, et il n’est de secret pour personne qu’ils ne se privent pas de souligner notre manque d’énergie…..à leur profit, bien entendu. Sans compter que l’on parle de rajouter une ou deux journées ville morte en soutien à un commerçant indien tué en partie hollandaise.Cela fait des années que l’on souhaite classer Saint Martin station balnéaire, ce qui conduirait à des ouvertures plus larges, gage d’un commerce plus dynamique. Mais cela dépend évidemment des autorités pour une indispensable mise à niveau des infrastructures pour rencontrer les critères. Dans le même temps l’insécurité s’accroît plus vite que la répression ne s’installe. Le bilan n’est donc guère favorable pour le moment, mais il faut espérer que petit à petit la Collectivité arrivera à mettre bon ordre dans tout cela et définir une politique de développement cohérente. |
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Yves KINARD |
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Les passionnantes élections européennes |
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Ce titre en forme de dérision montre l’intérêt que nous portons à cette échéance. A part le Président Frantz Gumbs qui a rappelé dernièrement l’importance d’aller voter, on ne peut pas dire que la mobilisation est importante. Bien malin qui pourrait dire quelles sont les listes en présence. |
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Pourtant, comme nous en avons déjà parlé dans notre numéro précédent, nous avons tout intérêt à nous mobiliser d’autant plus que, au-delà de ce que nous apporte concrètement l’Europe, nous avons quand même cette fois un candidat qui nous est proche et qui a beaucoup de chances d’être élu député européen, puisqu’il est tête de liste à l’Outre-mer. Il s’agit de Harry Durimel, candidat de la liste Europe-Ecologie, bien connu à Saint Martin. Cela fait plus de douze ans que cet avocat est sur les listes des Verts (qu’il a fondé en Guadeloupe) et il a obtenu grâce à son opiniâtreté de figurer en tête de liste et d’avoir une co-listière saint martinoise en sixième position, Janine Arnell. On peut très bien ne pas être d’accord avec les thèses de ce mouvement, mais il faut reconnaître que cela pourrait être une chance pour Saint Martin. Une fois élu, ce qui paraît assez vraisemblable, le député européen siègera bien sûr selon son parti au parlement européen, mais il saura aussi défendre nos intérêts à la meilleure place. Il est quand même imaginable de penser que l’intérêt de l’île, à ce niveau, sera privilégié plutôt que l’appartenance à tel ou tel camp. C’est ce qui ressort d’ailleurs du discours de Harry Durimel que nous avons rencontré. La profession de foi de Europe Ecologie nous concerne totalement tant il est vrai que l’environnement devrait être au centre de nos préoccupations, comme les énergies renouvelables, ou encore « rompre avec les impostures de l’accompagnement social » dans lequel, d’une certaine manière, l’Etat français maintient les départements d’Outre-mer ou les nouvelles Collectivités, achetant par là une paix sociale de plus en plus précaire en regard des retards d’infrastructures. A noter quand même que les Ecologistes ne sont pas tendres envers l’Europe qu’ils veulent modifier en profondeur. Mais d’un autre côté, le meilleur moyen d’y parvenir est de se faire entendre en participant à l’institution. Pour le reste, la campagne ne semble mobiliser personne. Pour preuve les panneaux électoraux qui sont moins nombreux que d’habitude. Si lors des scrutins locaux on voit apparaître des affichages un peu partout, force est de les chercher aujourd’hui. Et à l’heure où sont écrites ces lignes (mercredi), ils sont encore désespérément vides. La campagne ne semble même pas mobiliser les partis et leurs représentations locales puisque aucune affiche n’est encore venue rappeler aux citoyens les forces en présence. |
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Marie-Luce Penchard, UMP
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Boris Chong Sit, UMP
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Il est vrai qu’un petit tour des affiches et autres tracts est édifiant. 160 listes au niveau national ont été retenues. Il en est une qui devrait remporter pas mal de suffrages chez nous, mais a-t-elle été déposée ici ? C’est la liste Cannabis sans Frontière (authentique). Plus sérieusement, onze listes seulement seront présentes dans les départements, territoires ou collectivités d’Outre-mer dont : UMP, PS, MoDem, Europe Ecologie, Libertas (alliance entre le MPF de Philippe de Villiers et les chasseurs du CPNT), Notre Energie pour la Terre (alliance écologiste indépendante), Europe Démocratie Espéranto. Chez nous, seules les quatre premières devraient faire campagne. Mais si ces listes sont présentes dans l’Outre-mer, certaines semblent ne pas s’y intéresser outre mesure. En effet, l’UMP, comme le PS, rappellent la date des élections sur leurs affiches officielles comme étant le 7 juin, oubliant par là que les élections se dérouleront en Outre-mer le 6. Difficile de convaincre s’intéresser à nous quand même sur les affiches nous sommes oubliés……. L’absence d’affichage force aussi à s’interroger sur la considération des états-majors nationaux. Apparemment les affiches et autres tracts électoraux ne sont pas encore arrivés (le fret Air France est tellement cher, mon bon monsieur). Mais est-ce vraiment très crédible à l’heure du numérique et où une affiche peut facilement être imprimée ici sur base d’un fichier pdf envoyé par internet ? |
Chantal Maignan,UMP |
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Ericka Bareigts, PS |
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Les partis au pouvoir (UMP et NC) s’appuient sur les actions menées lors de la présidence de l’Union par la France lors du 2ème semestre de l’année 2008 pour convaincre les Français que l’Europe peut agir dans leur intérêt. Son slogan est « quand l’Europe veut, elle peut » et souhaite une Europe plus politique. Les partis de gauche (PS et FG) souhaitent faire de ces élections européennes un vote sanction contre le gouvernement en place. Ils proposent une relance par l’investissement et réclament une Europe plus sociale. Le PS se prononce en faveur de l’harmonisation de la fiscalité dans l’Union pour lutter contre les délocalisations. Le Front de gauche défend un vote de rupture avec l’Europe libérale et l’ensemble de ses traités dont celui de Lisbonne. Les Verts et le Mouvement démocrate, au fort engagement européen et qui obtiennent souvent des résultats élevés lors de ce scrutin, demandent une plus grande intégration européenne même s’ils se positionnent aussi dans l’opposition à la politique menée par Nicolas Sarkozy. Les Verts ont un programme très écologique et proposent un « modèle de société alternatif à celui de la mondialisation libérale ». Le MoDem demande une plus grande intégration européenne, seule façon, selon lui, de résoudre la crise actuelle devant laquelle les Etats seuls demeurent impuissants. Enfin, l’extrême gauche s’élève contre l’Union européenne qu’elle associe, au moins depuis 1995, au libéralisme économique. Pour les souverainistes de droite et d’extrême droite, ce scrutin est l’occasion d’exprimer leur euro-scepticisme. Le dernier sondage réalisé par l’institut BVA crédite l’UMP de 27% des voix, le PS de 25%, le MoDem de 12% et les Verts de 10%. Le NPA obtiendrait 7% des suffrages, le MPF-CPNT 5% et le Front de gauche 3%. |
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Gino Ponin-Ballom, MoDem |
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Chez nous, les têtes de listes sont pour l’UMP Marie-Luce Penchard, qui n’est autre que la fille de Lucette Michaux-Chevry, et donc une guadeloupéenne qui présente la particularité de vivre en France depuis longtemps et d’être une protégée de Nicolas Sarkozy. Les autres candidats sont répartis un par océan avec chaque fois deux suppléants de la même zone. Sur la zone Atlantique ce sont donc Boris Chong Sit, un avocat guyanais, et Chantal Maignan, universitaire, écrivain, elle enseigne à l’université des Antilles Guyane et est connue pour avoir curieusement un discours à gauche. Pour le PS, c’est Ericka Bareigts qui est tête de liste. Réunionnaise, elle est adjointe au Maire de Saint Denis (de la Réunion). Le MoDem fait lui la part belle aux grandes îles ou territoires puisque c’est Gino Ponin-Ballom, autre adjoint au Maire de Saint Denis de la Réunion, et ancien agent administratif, qui est tête de liste et ses colistiers viennent de Polynésie, Martinique, Mayotte, Guadeloupe, Wallis et Futuna, Nouvelle Calédonie et la Guyane. |
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Erika Kuttner-Perreau, Libertas
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Chez Libertas mené par Philippe de Villiers, c’est Erika Kuttner-Perreau qui est tête de liste à l’Outre-mer. Guadeloupéenne, directrice d’un organe de presse, elle fait ses premiers pas en politique. Europe Ecologie dont les figures emblématiques sont José Bové, Daniel Cohn Bendit et Eva Joly, est donc menée à l’Outre-mer par Harry Durimel, guadeloupéen d’origine, avocat à Saint Martin et en Guadeloupe, élu à Pointe à Pitre. La seconde sur la liste est Rahiba Dubois, conseillère principale d’éducation et élue à Saint Paul de La Réunion. Chez les Verts depuis à peine six mois, elle se présente d’une manière un peu équivoque comme tête de liste….dans l’océan indien. Mais comme c’est un scrutin de liste, ses voix conforteront la position de H. Durimel. En sixième position on trouve Janine Arnell, saint martinoise, assistante sociale. |
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Au final, cette élection motive peu les foules et l’abstention s’annonce record. Non seulement l’institution européenne semble bien loin de la plupart des gens, même s’ils y sont confrontés journellement dans le moindre de leurs actes, mais en plus on vote pour gens qui nous sont parfaitement inconnus ou seulement d’un petit cénacle d’initiés. Difficile dans ces conditions, sans une réelle communication, de motiver. Il y a, paraît-il, 1.435.978 électeurs en Outre-mer, mais sur les 72 députés, nous n’en élirons que trois. Dans chaque circonscription électorale, les sièges sont répartis à la proportionnelle, selon la règle de la plus forte moyenne, entre les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés. Les députés seront élus pour la période de 2009 à 2014. |
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L’agriculture à Saint Martin |
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L’agriculture, avec la pêche et la chasse, est l’une des plus anciennes activités humaines, et la plus essentielle. Mais c’est certainement la plus controversée. Objet de critiques quand elle pollue nos sols, ou attire les subventions, on met aussi en valeur sa capacité à être le jardinier de notre environnement. Mais d’elle seule dépend aussi notre survie et en ce sens elle devrait être une évidence partout. Il n’apparaît pas concevable qu’un pays ne soit pas capable de nourrir ses habitants. Pourtant, c’est le cas à Saint Martin où l’agriculture est quasi lettre morte. |
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Historiquement, Saint Martin, comme chaque nouvelle contrée découverte et habitée, a dû développer son agriculture et sa pêche pour permettre aux premiers colons de subsister. Au-delà, la sur capacité peut permettre petit à petit d’envisager un commerce qui apportera d’autres denrées introuvables sur place. C’est vers 1629 que des français, fuyant Saint Christophe (St Kitts), s’installèrent vers ce qui est aujourd’hui Quartier d’Orléans. En plus des cultures purement vivrières, de l’élevage de volailles et de bétail, produits parfois d’ailleurs vendus à St Christophe, les colons cultivèrent le tabac avec quelque réussite puisqu’il fut exporté jusqu’aux Pays Bas et en Scandinavie. Vers la fin du 17ème siècle, l’indigo fut aussi cultivé comme en témoigne La Plantation à Mont Vernon2. Malheureusement fermée aujourd’hui, cette sorte d’éco musée était un témoignage inestimable du passé, comme l’est d’ailleurs encore la maison du rhum un peu plus loin. L’indigo, teinture bleue tirée des feuilles d’un arbuste (l’indigotier, Indigofera tinctoria) était très recherché à l’époque et une vingtaine de sites, uniquement en partie française, étaient exploités. Encore en usage de nos jours et parfois recherché, c’est par exemple le colorant d’origine des jeans, et à l’époque il servait à teinter les uniformes de l’armée ou de la marine. Vers la même époque, le coton a commencé à être largement exploité. L’agriculture était, déjà à cette époque, confrontée au grave problème de l’eau, rare dans les puits, et souvent importée de Saint Christophe. Début 18ème siècle et jusque vers 1780 où il est supplanté par la canne à sucre, le coton est exploité un peu partout sur l’île, de Marigot à Belle Plaine, Quartier d’Orléans, en passant par Colombier ou Cul de Sac en partie hollandaise. On voit encore de nos jours, à l’époque de la floraison, quelques pieds ornés de ses belles fleurs ouatinées. |
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Champ de cannes à sucre |
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La canne à sucre marque un véritable tournant dans l’histoire de Saint Martin, et pas seulement au niveau de l’agriculture. Introduite vers 1763, la canne se développa rapidement. A l’époque où le sucre de betterave qui allait la tuer n’existait pas encore, c‘était quasiment le seul moyen d’avoir ce sucre dont raffolait les sociétés développées. Sa valeur en faisait une industrie très rentable, mais revers de la médaille, elle était extrêmement gourmande en main d’œuvre. Jusqu’alors les colons, blancs pour la plupart, étaient trop pauvres pour s’acheter des esclaves en nombre, mais la culture de la canne changea la donne. Si bien que la proportion blanc/noir s’inversa en 1770. Les noirs étaient déjà très nombreux en partie hollandaise où ils travaillaient dans les salines très productives alors. |
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Cannes à sucre |
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La canne à sucre est en fait une herbe, une graminée, et c’est la plante qui, en volume produit, est la plus cultivée au monde. Très facile à cultiver, elle réclame cependant de l’eau (mais pas trop), mais apparemment Saint Martin en avait suffisamment. La plante l’absorbe principalement par ses racines qui vont la chercher très rapidement, mais aussi par voie aérienne. L’humidité naturelle de l’air est donc appréciable, mais aussi le soleil. L’alternance des périodes humides (propices à la croissance) et de sécheresse (favorables au mûrissement) a permis un développement rapide de cette culture, et par voie de conséquence de l’industrie qui en découle. Pour donner une petite idée de ce que représentait alors l’agriculture, il faut savoir qu’en 1786, 900 hectares étaient plantés en cannes (pour mémoire, cela représente une surface de 3 km sur 3), 260 hectares en cultures vivrières (cassave, patate douce, malanga (une sorte de tubercule), igname (tubercule assez proche par sa composition de la pomme de terre), pois de bois, et banane) et 180 en coton. Il y avait 35 sucreries, principalement du côté français. En 1775 il y avait déjà 17 sucreries, la plus importante était à Marigot et appartenait à Jacob Gumbs. La production en 1829 pour la seule partie française était de 1.100 tonnes pour 165 du côté hollandais. En 1789 il y avait 90 exploitations de l’autre côté de la frontière dont 35 était principalement axées sur la canne. Comme on le voit, il s’agissait là d’une véritable richesse et Saint Martin exportait vers l’Amérique du Nord, les colonies françaises et la métropole ; du rhum était vendu en Guadeloupe. Durant 75 ans, de 1775 à 1850, Saint Martin, partie française, connu l’apogée de son développement économique, surpassant même nos voisins. L’élevage n’était pas en reste puisque on trouve un rapport officiel de 1847 qui indiquait qu’étaient exportés en Guadeloupe 1227 vaches, 180 chevaux, 80 ânes, 42 mules, 2200 moutons, 1029 cabris et 685 porcs. La plupart des plantations de cannes étaient situées à Marigot et Colombier, celles de coton vers Grand Case et Quartier d’Orléans, et les cultures vivrières montaient à l’assaut des collines, séparées par des murets de pierres sèches qui subsistent encore et qui formaient enclos pour le bétail. |
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Fleur d’indigotier. C’est sa feuille qui était utilisée pour extraire le colorant. |
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Peu à peu cependant, l’industrie du sucre connu une récession importante due à l’apparition de la betterave en Europe et sa richesse en sucre, mais aussi aux coûts de transport depuis les Antilles. En 1895 la dernière sucrerie ferma ses portes. Que reste-t-il aujourd’hui de cette époque florissante ? La réponse est malheureusement : rien. Le pire même est que nous n’avons quasiment plus de traces ou de vestiges de ce passé. A part quelques murs, que ce soit à Spring ou à Bellevue, une cheminée branlante, et quelques sympathiques mangoustes introduites pour chasser les serpents qui pullulent dans les champs de cannes, bien peu de choses témoignent de ce qui n’est quand même pas si loin. C’est d’ailleurs totalement incompréhensible quand on voit en Guadeloupe ou en Martinique tout ce que l’on peut encore trouver comme vestiges de cette époque agricole et industrielle. Une question se pose cependant : pourquoi aujourd’hui l’agriculture est-elle inexistante à Saint Martin au regard d’un passé aussi riche ? Car si vous cherchez aujourd’hui, le constat est affligeant. Il semblerait qu’il y ait une soixantaine d’inscriptions au titre d’agriculteurs à la Chambre d’Agriculture. Mais cela comprend principalement des éleveurs d’ovins, bovins, caprins, porcs, volailles, ânes. A cela il faut ajouter quelques pépiniéristes, et il ne subsisterait qu’une seule exploitation purement agricole, celle des rastas de Bellevue. Or, aujourd’hui, des produits transformés comme le rhum, peuvent trouver des débouchés, pourvus qu’ils aient une spécificité. De même, le sel, rangé dans le secteur agricole, pourrait sans doute encore être exploité, n’étaient les problèmes de pollution. Les deux produits peuvent d’ailleurs très bien être associés. Pour preuve, sur l’île de Ré, on exploite encore des salines et le sel se vend en sachets aux touristes, mais il est aussi associé au sucre pour faire des bonbons salés/sucrés qui remportent un vif intérêt. Comme quoi, avec un peu d’imagination……. Il subsiste cependant chez nombre de vieilles familles saint martinoises une sorte d’attavisme qui les pousse à donner une suite à la tradition familiale. La plupart sont restés éleveurs, mais ont été confrontés depuis des années au problème de l’abattage. Le développement de la société locale dans le giron de la France qui, par le passé, ne se préoccupait pas trop de cette terre lointaine, a amené, avec ses fonctionnaires, son lot de normes, amplifiées par l’Europe. Si dans le temps et durant des siècles, personne n’a souffert d’abattre un bœuf dans la cour de la ferme pour ensuite le vendre au marché, il paraît maintenant que les vilains microbes qui ont appris à lire ne sont plus du tout d’accord, du coup, il fallait un abattoir. Réclamé pendant au moins vingt ans, bien souvent argument électoral très vite oublié ensuite, ce n’est que depuis un peu plus d’un an qu’enfin on a commencé à en construite un. Las, les éleveurs ont tellement attendu que l’outil encore inachevé est déjà aujourd’hui menacé d’oubli pour la simple raison qu’il avait été très bien étudié pour la capacité de production locale et calibré en conséquence. Soit, 165 tonnes par mois, ce qui correspondait à la capacité de production du cheptel. Mais sa réalisation a pris tellement de temps que les éleveurs se sont découragés et qu’ils ne sont plus en mesure aujourd’hui de fournir le volume nécessaire à une exploitation rationnelle, et surtout rentable, de l’outil. Pourtant, une production locale pourrait non seulement alimenter notre consommation directe, mais aussi fournir des dérivés extrêmement commerciaux comme par exemple faire de la viande boucanée, grande spécialité des Antilles naguère. Et il faudra trois ans pour que les éleveurs rachètent des bêtes, financent des inséminations, et reconstituent leur cheptel. |
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L’abattoir en construction. Il est situé le long de la la N7 qui longe l’aéroport de Grand Case, au pied du Milrum. |
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Un autre exemple est cet éleveur de poulets, d’ailleurs durement touché par les grèves en Guadeloupe d’où il importait les aliments, qui produit des œufs et souhaitait pouvoir abattre ses poules. En effet, des poules après un an ne sont plus rentables pour les œufs, et doivent donc être éliminées. Elles sont cependant tout à fait bonnes à la consommation et pourraient, si l’on peut dire, connaître une deuxième vie conduisant à la rôtissoire. Un dossier de demande de subventions auprès de la Collectivité, pourtant intéressée à soutenir ce secteur de l’économie, a abouti à royalement octroyer 4.000€ sur un investissement de 150.000. Bien sûr, on ne peut tout attendre des subventions, mais peut-être serait-il bon d’accorder la démarche au discours. Les rastas de Bellevue sont un autre exemple de ce que un peu de ténacité contribue à faire. Leurs jardins sont en effet un modèle du genre, mais malheureusement, ils semblent entachés par la loi française d’un certain nombre d’équivoques. Développée dans le cadre associatif, cette activité n’est pas à proprement parler commerciale et peut difficilement, de ce fait, accéder au marché de la distribution. Raison pour laquelle la production est vendue plus ou moins à la sauvette. L’association œuvre cependant à rentrer dans les clous et même à obtenir le label bio. Pourquoi pas ? Remercions au passage Louis Constant Fleming qui a mis ses terres à disposition gracieusement. Ce qui nous permet d’ailleurs une petite mise au point. Certains esprits grincheux avaient souligné une disposition votée lors d’un précédent Conseil Territorial qui voulait qu’un propriétaire foncier qui mettait au moins 90% de ses terres à la disposition de l’agriculture, pourrait obtenir une réduction d’assiette de l’impôt foncier de 50%. Plus qu’un avantage éhonté offert aux grands propriétaires terriens, il fallait surtout y voir une forme de subvention déguisée permettant de mettre à disposition de l’agriculture ce qui lui manque le plus aujourd’hui (en dehors de l’eau) : le terrain. |
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L’exploitation des Rastas à Bellevue. De beaux jardins qui souffrent cependant du manque d’eau. |
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Car là est le problème. Pour qu’une économie agricole soit rentable, il faudrait trouver au moins 1200 hectares, idéalement, 2000. Or, tous les terrains à Saint Martin appartiennent à quelqu’un, pas nécessairement intéressé par l’agriculture, mais bien le plus souvent, quand c’est possible, à plus ou moins brève échéance, de vendre à l’immobilier. La Collectivité a trouvé là une solution judicieuse. L’agriculture aujourd’hui ce sont essentiellement nos amis haïtiens qui la conduisent. La pauvreté et le dénuement dans lequel trop souvent nos lois les maintiennent, les conduisent à assurer leur subsistance par le commerce tiré de leurs plantations ou élevages. Ils sont ainsi les premiers producteurs sauvages de porcs, mais fournissent aussi de la canne à sucre, et des bananes. Malheureusement, cela conduit à les laisser d’une manière plus ou moins occultes, mais visibles de tout le monde, et certainement au profit de certains, défricher abusivement nos mornes, renouvelant par là le triste exemple de leur mère patrie. Chez nous évidemment, c’est un moyen commode de ne pas payer le défrichement qui aboutira un jour à reclasser le terrain en zone miraculeusement constructible. Mais il paraît que ce qui est même visible depuis la Préfecture n’entre pas dans le cadre de la loi, le propriétaire faisant ce qu’il veut chez lui…… Quel avenir ? Certainement pas dans la production de masse puisque nous n’avons pas la superficie disponible, mais plutôt dans la qualité. Par exemple des fleurs en profitant que nous avons un aéroport international, de la culture hydroponique (hors sol, sur des substrats neutres mais avec une alimentation ponctuelle d’eau et de sels minéraux) pour tous types de végétaux, légumes, des arbres fruitiers (manguiers), de la vigne (les Terres Basses s’y prêteraient très bien s’il n’y avait conjointement une ordonnance napoléonienne jamais abrogée protégeant le vignoble français et interdisant la culture ailleurs, et la pression immobilière). La canne pourrait être remise à l’ordre du jour en la valorisant au travers de dérivés de haut de gamme (rhum parfumé, confiserie) comme aussi l’indigo. On oubliera le coton trop consommateur d’eau (les Russes ont asséché la mer d’Aral à cause de cette culture, en détournant les fleuves qui l’alimentaient). Reste encore des productions marginales comme l’arrow root dont la production, même anecdotique, est encore une tradition qui perdure comme vient de le rappeler la fête de Saint Louis. |
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Les plantations de l’exploitation des Rastas à Bellevue. Photo: Jabiru |
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L’agriculture est une profession extrêmement encadrée, mais parallèlement elle est aussi très aidée notamment au niveau des subventions tant nationales qu’européennes. Des dossiers bien montés sont tout à fait recevables au Feader ou dans le cadre d’Interreg et pourraient contribuer largement à l’essor et la diversification économique de l’île. Il est inconcevable que sur une terre comme Saint Martin, où tout le monde s’accorde pour dire que tout pousse, l’agriculture figure seulement sur les rayons de la bibliothèque. Mais tout est dans une volonté politique que l’on espère voir émerger à notre profit à tous, agriculteurs, consommateurs, et touristes. Car, ne l’oublions pas, l’agriculteur est le jardinier de nos paysages et son activité peut être valorisée dans le cadre d’un tourisme vert. Et qui se plaindra de déguster une bonne salade ou des tomates cultivées ici plutôt que les importations incertaines que nous trouvons dans nos grandes surfaces, flétries par une chaîne du froid aléatoire et un trajet trop long ? Produire localement est même une évidence comme ont pu le constater les guadeloupéens lors des grèves, et notamment à Marie Galante, où seule l’agriculture locale fournissait encore de quoi s’alimenter, les rayons des magasins étant vides. |
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Yves KINARD | ||||||||
Remerciements à Daniella Jeffry pour son aide au niveau documentation. |
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Brève: |
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Un nouvel argument pour Saint Martin. |
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Après les day-charters en catamaran, les sorties plongée, les ballades en jet, voici une nouvelle activité possible à Saint Martin: l’aéroglisseur. En phase d’essais depuis quelques jours, vous avez certainement déjà dû l’observer passant au large, voire arriver sur une plage. Cet engin nous vient d’Australie après bien des aventures. Pas moins de 4 mois ont été nécessaires pour l’acheminer depuis le nord-ouest du continent austral, par cinq bateaux différents avant arriver chez nous, via Panama, Savannah aux USA, puis la Jamaïque, Miami, et enfin Philpsburg. C’est par ses propres moyens qu’il gagna ensuite la partie française aux mains de son pilote et propriétaire bien connu chez nous: Hugues. Cette machine, achetée d’occasion, a déjà promené plus de 160.000 touristes en 18 ans en Australie où d’ailleurs Hugues a été se qualifier dessus en pratiquant une quarantaine d’heures. Pilote d’hélicoptère, constructeur d’ailleurs du seul hélicoptère à rotor co-axial au monde, pilote d’avion, et enfin, capitaine de mégayacht, c’est donc un spécialiste en matière de conduite d’engins un peu particuliers. Plusieurs mois ont été nécessaires pour la mise au pojnt de la machine, en collaboration avec le chantier Geminga, dans la mesure où d’origine il fonctionnait avec des hélices à pas fixes. Pour nos conditions de navigation ici, ce n’était pas très adéquat et des hélices à pas variable ont été choisies. Malheureusement elles sont arrivées sans leur commande et il a fallu étudier et réaliser le système complexe capable de faire varier l’incidence des pales (cela n’avait pas encore été fait chez le constructeur). C’est aujourd’hui chose faite et après quelques mises au point, l’hovercraft donne entière satisfaction. Cependant, en bon pilote, Hugues ne veut rien laisser au hasard et accumule les heures de validation des systèmes autant qu’un apprentissage complet de la délicate machine. |
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Un hovercraft est donc une machine qui se déplace sur un coussin d’air. Un moteur diesel de 300 cv, peu bruyant, fournit la puissance nécessaire à l’hélice de sustentation située à l’avant. Deux hélices contra-rotatives envoient l’air vers la jupe. Pour que celle-ci assure sa fonction, des sortes de canaux (fingers) sont alimentés en air et permettent de conserver la forme et la rigidité de la jupe. On comprend aisément qu’autrement l’air s’échapperait par un côté alors que l’engin se mettrait de travers. L’air maintenu sous une légère pression sous toute la surface de la nacelle suffit à soulever l’ensemble. Propulsé par deux hélices à pas variable entraînées par courroies crantées, elles peuvent être commandées séparément. L’engin est capable d’atteindre une trentaine de nœuds et d’emporter 18 personnes. Chose assez remarquable quand on ne connaît pas, la sensation sur l’eau, même agitée, est surprenante, l’engin donnant vraiment l’impression de flotter (ce qu’il fait d’ailleurs) dans l’air, de partir en glissade latérale, et ne pas ressentir les vagues (pas trop hautes) qui sont absorbées par la jupe. Efficace aussi bien sur mer que sur terre, il est ainsi capable d’avoir accès à des zones autrement impossibles à d’autres moyens. Il peut par exemple survoler un récif à fleur d’eau sans l’endommager et se poser le plus simplement du monde sur une plage. Prochainement il devrait donc être disponible pour des baptêmes, des ballades ou d’autres possibilités. Stationné au chantier Geminga, il y est parfaitement visible et Hugues se fera un plaisir de vous faire partager sa passion. YK |
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