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     Journal de bord de "Spirit of Arielle"  -  Les Açores - Faïal & Horta

Les Açores. Petit archipel éclaté au milieu de l’Atlantique, écueil sur la route des Amériques, ou de l’Europe, petit morceau de Portugal battu par le vent et les tempêtes, sursaut géologique, reste de la mythique l’Atlantide, escale obligatoire sur le chemin du retour, patrie des derniers chasseurs de baleine, ces îles sont tout cela en même temps, mais pas seulement. C’est aussi une destination un peu en marge du temps où l’on peut encore approcher une nature primaire comme aux premiers âges de la terre, le tout baignant dans une vie paisible un peu en retrait du monde.

 

Des Açores, en général, j’aurais bien du mal à vous en parler puisque d’elles je ne connais un peu que Faïal, et plus particulièrement Horta. Le reste de l’archipel, je ne saurais mieux vous le décrire que ne le ferait un guide, que ces quelques mots vous ayant alléchés, sans doute prendrez-vous. Mais quand même quelques mots. Géologiquement, ces îles sont les sommets émergeant de la convulsion terrestre qui conduit les plaques tectoniques formant notre globe à se séparer. L’Atlantique est ainsi parcouru par une gigantesque balafre d’où sourd le magma en fusion qui peu à peu s’épanche et repousse les bords de la plaie béante, les Açores étant elles sur la jonction des plaques eurasienne et africaine. Les plaques dérivant iront s’enfouir un jour sous les plaques continentales, alimentant sans arrêt la chaudière infernale sur laquelle nous vivons. Parfois, comme c’est le cas en Islande, aux îles du Cap Vert ou aux Açores, l’épanchement est plus violent, des îles se construisent, s’élèvent au-dessus des flots, perdurent. Nul continent mythique à y voir là, simplement la mécanique des fluides, le lent épanchement de la lave au travers des millénaires. Pas très vieilles, 4 millions d’années, elles n’ont été découvertes par l’homme que vers le XIIème siècle croit-on, mais c’est le Portugal qui en revendiqua la possession au XVème. Suit une histoire un peu mouvementée, comme elle l’était à cette époque partout de la colonisation. Pauvres, loin, tirant leur subsistance de l’agriculture et de la pêche, elles accueillirent une grande variété de colons, parfois même flamands, mais ce sont les portugais qui prédominèrent et leur donnèrent leur caractère actuel. Car si les Bermudes étaient furieusement british, ici, on ne peut nier l’ascendance de la mère patrie. Il est un génie qu’il faut reconnaître aux Portugais, c’est celui de recréer, où qu’ils aillent, les mêmes stéréotypes que dans la mère patrie. Ainsi les maisons, les églises et particulièrement leur décoration intérieure, les autels notamment, sont des copies conformes de ce que l’on fait à Lisbonne. Ainsi, des Açores au Brésil, ou au Mozambique, il suffit de fermer les yeux pour se croire revenu sur les rives du Douro.

 

Un exemple que devrait méditer bon nombre d'hommes politiques. Ci-dessus, à droite, l'hôtel de ville. Quand vous commencez votre carrière d'homme politique, vous siégez à l'hôtel de ville. Plus tard, un peu plus vieux, et sans siége, on vous aura trouvé une place au musée (à gauche). Enfin, l'église (au centre), s'occupera de vous un jour, tandis que plus à gauche, hors de la photo, vous laisserez une trace à la bibliothèque contiguë.

Tout un programme!

Un peu de géographie.

Les Açores sont éclatées en trois groupes. Tout à l’est, Santa Maria et quelques cailloux, mais surtout l’île principale de l’archipel, Sao Miguel (prononcez « sann ») avec sa capitale Ponta Delgada. Ensuite, en allant vers l’ouest, un groupe de cinq îles, Terceira, Graciosa, Sao Jorge, Pico et Faïal. Et enfin, beaucoup plus à l’ouest (+ /- 140 miles), Florès et Corvo. La plus grande est Sao Miguel; la plus haute, juste en face de Horta, constitue avec son volcan le plus haut sommet du Portugal avec ses 2351m, c’est Pico.

Faïal, qui nous intéresse, n’est pas très grande, seulement 173 km², soit plus de fois Saint Martin, mais par contre, seuls 15.000 habitants y vivent, ce qui fait quand même une sacrée différence avec chez nous. Autant dire que les embouteillages sont inconnus, heureux peuple. Moyennement haute, puisqu’elle culmine à 1043 m au bord du volcan aujourd’hui bien endormi, mais encore impressionnant. La caractéristique majeure de ces cailloux perdus au milieu de l’océan, c’est d’une part qu’ils sont soumis aux fluctuations de l’anticyclone, et d’autre part que leur relief focalise les nuages. Bon, je ne vais pas vous donner un cours de météo, mais des sommets au milieu de l’océan arrêtent les nuages, les font monter et descendre, du coup pluie. Et cela, je peux vous dire qu’ici il pleut, et encore sommes-nous dans la bonne saison. Les locaux disent d’ailleurs de leur climat qu’ici, « il a plu, il pleut, ou il va pleuvoir ». Voilà un raccourci météorologique que ne dédaigneraient pas les ingénieurs de Météo France. L’hiver, quand l’anticyclone est parti, l’île est soumise parfois à un cortège ininterrompu de dépressions, virant parfois à la tempête qui peuvent parfois être spectaculaires comme le montre la photo prise par José Azevedo (voir l’article sur le Cafe Sport). Ce jour-là, c’était le 15 février 1986, entre 12 et 16h, le vent dépassa 250 km/h. José sortit faire des photos des vagues qui s’écrasaient sur une falaise non loin de chez lui. Vagues de 20 à 30m qui en explosant sur les rochers  s’élevaient, comme en témoigne la hauteur de la falaise, à plus de 60 mètres de haut. Pendant longtemps, avant que les Açores ne soient bien équipées, les bateaux étaient tirés hors de l’eau l’hiver pour être hors de portée des flots dévastateurs. C’est d’ailleurs encore le cas à certains endroits.

Très tôt cependant Horta disposa de sa grande digue qui protégeait relativement bien la darse, sauf en cas de gros coup de vent du nord. Les travaux débutèrent fin 19ème et cela amena un peu de prospérité à cette île autrement assez pauvre. Diverses activités s’y implantèrent qui laissent encore des traces aujourd’hui. Chasseurs de baleines, compagnies de télégraphe qui avaient ici un relais pour capter et réexpédier les télégrammes, centre météorologique, puis à une époque plus récente, approvisionnement en charbon pour les navires, ou soutien logistique durant la deuxième guerre mondiale.

Aujourd’hui, Horta donne un peu l’impression d’être assoupie. L’activité est y évidente, mais on n’a pas vraiment l’impression que la vie est trépidante. Interrogés, les îliens disent que la vie est paisible ici. Ils ont a peu près tout ce dont ils ont besoin, mais guère plus, on trouve tous les « bienfaits » du modernisme, mais avec toujours cette touche traditionnelle un peu flegmatique et bon enfant du portugais.

Le tourisme se développe, mais n’aura jamais l’avenir qu’il connaît dans nos îles, le soleil manquant cruellement, les plages aussi. Le plus souvent en sable gris des volcans, elle sont moins engageantes que notre Baie Orientale. Un autre tourisme se développe ici, plus écologique, nature. L’île, comme ses voisines, est un paradis pour les promenades à pied, la découverte de paysages exceptionnels. La flore y est abondante et variée, les arbres couvrent les collines non cultivées, sur les hauteurs des espèces de conifères (des cèdres je crois) couvrent les pentes et donnent à l’ensemble un petit air d’Alsace. J’y ai entendu, pour la première fois depuis bien longtemps, le sifflement moqueur des merles.

 

Pico

La presqu'île de Guia, aujourd'hui réserve naturelle, borde l'un des côtés de Horta. L'ancien volcan s'ouvre vers la mer, tandis que de l'autre côté, le petit port naturel abritait l'industrie baleinière.

 

 

 

 

 

Le géant endormi.

Très catholique, la population reste attachée à ses traditions. Comme par hasard, partout où je passe, ils font la fête. Carnaval aux Bermudes, ici la fête de la Saint Jean marquant le solstice d’été. Autrefois fête populaire en France aussi (qui ne connaît la chanson Les amoureux de la Saint Jean ?), elle donne lieu à réjouissances au seuil de l’été. Là, sur les hauteurs du volcan, « à la montagne » comme ils disent, se tenaient les festivités. Nous sommes bien loin de la rigueur britannique des Bermudes, si bien qu’en bon belge, j’étais à l’heure, mais pas eux. Du coup, je suis parti en attendant vers les hauteurs, voir la caldeira. Je marchais d’un bon pas depuis déjà bien une heure, quand une voiture me dépassa, s’arrêta, et m’embarqua sans que je demande quelque chose. Les gens ici ont la réputation d’être très accueillants, d’aimer les marins de passage, et ce n’est pas usurpé. D’ailleurs, un autre navigateur, hollandais celui-là, avait déjà pareillement été embarqué et me contait qu’il avait simplement demandé à ces braves gens son chemin. Ils lui ont dit, d’accord, on va te conduire au volcan, mais d’abord tu manges. Oui mais, …non tu manges, tu bois, et puis on te conduiras. Ainsi fut fait. Au retour de la ballade, ils insistèrent aussi pour que je prenne une bière, puis une autre en leur compagnie. Gentils je vous dis. En plus, beaucoup parlent anglais, parfois français. Historiquement cela s’explique parce que comme partout où l’on est pauvre, le mirage américain fascine (c’est vrai, qui n’a pas envie d’aller manger des hamburgers directement à la source…….), mais aussi parce qu’en 57-58, une terrible éruption volcanique secoua l’île. Fort heureusement, ce n’était pas le volcan lui-même, mais un petit cône à la base qui naquit en mer, à quelques encablures de la côte. Durant des mois, l’île fut plongée dans l’obscurité à certains moments, noyée par endroits sous les cendres et peu à peu, une nouvelle île se construisit pour finir, peu avant que l’activité se ralentisse, par se rattacher à Faïal. La population tomba de 30.000 à 15.000 habitants dont beaucoup partirent aux USA. Maintenant, l’île étant plus prospère, ils reviennent peu à peu, parlant maintenant l’anglais.

La découverte de la caldeira est un spectacle impressionnant. Grand amateur de volcans, parfois en activité d’ailleurs, c’est la première fois que j’en voyais un aussi grand. Le cratère béant, parfaitement bien conservé, circulaire, a un diamètre d’environ 2000m et une profondeur que j’évalue à 3 ou 400m. Le fond est plat, avec un petit lac et un joli petit cône éteint, mais dont on voit encore bien le cratère. L’activité ici est complètement éteinte, même si lors de la fameuse éruption relatée plus haut, quelques signes étaient réapparus. Aujourd’hui en sommeil, le géant peut néanmoins un jour, dans un an, mille ans voire 100.000 ans se réveiller et là, comme partout où la population a colonisé ses pentes fertiles, il anéantira tout autour de lui.

 

 

 

 

La « marcha do Sao Joao »

De retour à la fête, je dus encore attendre un peu pour voir enfin les premiers groupes musicaux. Le matin, lors de mon arrivée, j’avais entendu le chœur chanter la messe dans la petite église du site, et je dois avouer que le charme des voix portugaises est incomparable. Les hommes et les femmes se relaient, se donnent la réplique, avec un ensemble précis, une qualité et un timbre merveilleux. J’étais à moitié gelé (j’avais pas pensé que « à la montagne », cela veut aussi dire en altitude. Au soleil, il faisait bon, mais à l’ombre…..) quand enfin le premier groupe s’élança pour  « la marche de Sao Joao ». Marche est un bien grand mot d’ailleurs puisque le parcours fait tout juste…..200m !!!! Là, partie au soleil, partie à l’ombre de grands cèdres centenaires, cinq ou six groupes passent, hommes et femmes, enfants et adolescents, tous chantant en chœur, se croisent et se recroisent en une chorégraphie un peu compliquée, parfois un peu courtoise avec l’échange de la fameuse rose de la Saint Jean, le tout accompagné d’une fanfare. Curieusement, j’ai eu un peu l’impression qu’ils chantaient tous la même chose, de groupe en groupe. C’est en tous cas très beau, très coloré, joyeux comme doit l’annoncer la fête de la Saint Jean, celle des retrouvailles de l’été, des prochaines moissons et vendanges. Une fois les défilés terminés, la musique reprend sur le podium, dont une moitié est laissée libre et où se retrouve alors le public. C’est le vrai bal populaire, mais uniquement pour initiés. Pendant que l’orchestre joue des airs manifestement folkloriques, une ronde se forme, alternant hommes et femmes. Puis, les couples se forment, se croisent, se reforment, s’échangent. Personne ne danse tout le temps avec la même personne, on vole de main en main, parfois sur un rang, parfois sur deux, tournant et retournant l’un autour de l’autre, jeunes et vieux. Pays de tradition, manifestement elle ne laisse pas les jeunes indifférents car l’on voit aussi bien des gens de 75 ans encore bien vivaces que des petites jeunes filles de 16 ans virevoltant pareillement, avec grâce, mais surtout compétence. Le pas est compliqué, les enchaînements alternent dans un sens et dans l’autre, s’agit pas de se tromper. Je n’ai pas bien compris, mais apparemment, sur certaines danses, un meneur, pas toujours le même, et comment est-il déterminé ???, donne les ordres de changement de figure, de claqué du pied, ou des battements de mains. Magnifique . J’imagine qu’il y a encore quelques décennies, les gens devaient venir en costumes traditionnels. Aujourd’hui, c’est aussi la tradition…..mais en jeans. Les costumes ne sont plus portés que pour les groupes venus des quatre coins de l’île. Peu de touristes, c’est vraiment une fête locale et on sent qu’ils y mettent du cœur.

Dans quelques jours, je quitterai Horta, avec un petit pincement. Cette île mythique, escale sur le chemin du retour de nombreux navigateurs, hante les pages de nombreux livres, laissant la même trace d’un souvenir ému de gentillesse, d’accueil, de calme et de sérénité aux portes de l’Europe.

 

  Les hortensias, plante importée à la fin du 19éme  siècle, se sont tellement bien acclimatés ici, qu'ils sont devenus en quelque sorte l'emblème de l' île. Partout dans les jardins, les haies, et même dans la nature on trouve de ces massifs ravissants.