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     Journal de bord de "Spirit of Arielle"  -  Saint Martin - Les Bermudes
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Journal  les Açores - Saint Martin de Ré

9 mai 2008  

Marigot

Les travaux vont bon train. Les dernières finitions et préparations se terminent, même si beaucoup serait encore à peaufiner. Mais à trop vouloir faire pour que tout soit parfait, on ne partirait jamais. Aujourd'hui, le peintre Antoine Chapon a remis à Yves une de ses aquarelles. Peintre de la mer comme son illustre prédécesseur et inspirateur de la traversée, Marin-Marie, son tableau représente un bord de mer typique de nos régions. Demain le bateau sera sorti pour carénage tandis que dimanche l'équipage sera complet avec l'arrivée de Patrick, le médecin de Tours qui était déjà venu l'année passée pour travailler à la construction du bateau. Le grand départ est donc pour le jeudi 15 si la météo, aujourd'hui annoncée clémente, persiste. Direction les Bermudes.

 

 

 

15 mai 2008                
 

Nous voici donc à Tintamarre, petit îlet au large de Saint Martin. Nous avons choisi d'y faire une petite pause pour terminer de ranger le bateau et surtout s reposeraprès les derniers jours de préparation bien éprouvants.

Le départ a été émouvant avec la vedette de la SNSM qui nous a accompagné un bon moment. Beaucoup de bateaux dans la marina Fort Louis ont donné de la corne de brume pour saluer notre départ. Le Vice Président de la Collectivité, Daniel Gibbs, était là dès 8h30 ainsi que le directeur de l'Office de Tourisme (Yann Claeysen) et le directeur du port (Albéric Ellis). Le président de la Réserve Naturelle (Harvey Viotty) est aussi passé tandis que le Président de la Collectivité, Mr Louis-Constant Fleming passait lui vers 11h et remettait en présence de la télévision (RFO) une plaque officielle de la Collectivité de soutien pour cette aventure. Finalement, le départ avait lieu à quasiment midi car nous attendions les autocollants de Total (les produits pétroliers) qui s'est joint récemment au projet. Finalement nous avons été les attraper au vol à Grand Case, un ami de longue date, Philippe Baumann les ayant récupérés à l'aéroport.

Là, ce soir, après un bon repas (paëlla) arrosée d'une bouteille généreusement offerte par François Anton, nous allons nous reposer pour partir tôt demain matin, direction les Bermudes.

 

 

 

La vedette de la SNSM nous a accompagné longuement. A la proue, Mathilde (jupe rouge), mon épouse.

17 mai 2008  
  Notre position ce matin à 06h30 nous plaçait à 20°21'183N et à 63°45'293W, soit à environ 140 miles de Saint Martin. Consommation, 4,04 l/h, vitesse 5,58 noeuds. La mer est absolument splendide, grand ciel bleu ce matin et on vient de croiser de loin notre premier container-ship qui nous a superbement ignoré. La nuit n'a pas été aisée car la houle de 2m un peu désordonnée nous arrivait par tribord avant et le bateau roule. L'équipage n'est pas encore tout à fait amariné, mais en bonne voie. Il faut aussi dire que malheureusement, et comme je le craignais, le pilote nous a lâché..... 35 minutes après le départ et sur mer d'huile. Du coup, nous devons barrer tout le temps et au lieu d'avoir des quarts de veille, nous avons des vrais quarts avec un bateau qui embarde selon les vagues. Globalement bien équilibré, il tient assez bien son cap, mais réclame régulièrement un ajustement dû à une vague. Ce matin la mer se tasse un peu et c'est plus agréable. Pour le reste, tout va bien. Rien à dire sur le Perkins qui tourne comme une horloge. Pourvu que ça dure.  
Dimanche 18 mai 2008  

Position à 6h25 (local)
Latitude: 22°36'027N
Longitude: 64°04'307
Distance à l'arrivée: 580 miles
Distance parcourue en 24h: 144,36 miles
Vitesse moyenne: 6,015 noeuds
Consommation horaire: 4,5125 litres/heure
Consommé depuis le départ: 210 litres
Consommation: 0,7502 litres/mile
Mer belle, houle moins d'un mètre
Vent: 5 noeuds
Ciel dégagé sans nuages
Baromètre: 1017 mb
Température extérieure: pas de thermomètre à bord, mais à vue de nez 26°
La journée d'hier s'est très bien passée. Le temps est fixé au beau et on ne peut qu'espérer que cela durera. La prévision de départ nous donnait une dépression au nord des Bermudes pour la période d'arrivée dont les effets s'étendaient un peu plus au sud, mais rien de vraiment méchant (15 à 20 noeuds de vent et des creux de 3m). Dans peu de temps nous en reprendrons une actualisée. La mer s'est considérablement tassée durant la journée. La nuit précédente le bateau tapait encore de temps à autre dans une vague plus raide, mais depuis le milieu de la journée, c'est fini. C'est maintenant une mer que l'on pourrait qualifier de paresseuse. En parlant de la mer et par rapport à mes expériences précédentes, vieilles il est vrai de plus de dix ans, c'est le vide qui me surprend. A part quelques oiseaux, un dauphin vu le premier jour, un banc de poissons genre dorades qui sautaient ce matin, trois ou quatre poissons volants, rien... Le vide total. Par de traces non plus de pollution à part l'un ou l'autre objet flottant comme une vieille perche de flotteur de filet. De ci de là, seulement quelques paquets d'algues. Question navires, c'est la même chose. Nous n'en avons aperçu encore que trois et très loin, tellement qu'on ne sait toujours pas si notre radar est capable de les détecter.

Nous avons fait une excellente moyenne hier due surtout à l'état de la mer. Mais aussi au fait que j'ai choisi d'aller plus vite que prévu. En effet, sur la route des Açores, la consommation devait obligatoirement être la plus faible possible car nous étions aux limites de l'autonomie. Les 1300 litres de gasoil nous donnant au mieux 2200 miles à environ 5 noeuds. Le moindre jour de vent contraire nous aurait conduit à tomber en panne de carburant, voire peut-être de ralentir très fortement et donc allonger la traversée pour être sûr d'arriver sans utiliser le gréement de secours. A ce sujet, nous en avons deux à bord. L'un est parachute rectangulaire de 12 mètres carrés, prêté par Wind Aventures,  assez difficile à envoyer, mais qui devrait bien tirer une fois en l'air. L'autre est un classique tangon dressé sur une cadène spécialement faite placée sur le toit. On peut alors établir un foc fort incliné. Mais l'un comme l'autre, j'espère ne pas avoir à l'utiliser.

Hier, nous avons dû nous arrêter pendant presque trois quarts d'heures. D'une part pour terminer le transfert (sur la fin d'un réservoir, c'est mieux d'entendre la pompe), et d'autre part pour contrôler le niveau d'huile du moteur. De ce côté, rien à dire, parfait. Par contre, l'ouverture de la cale moteur a permis de voir un fond de gasoil qui traînait dans le fond de cale. Origine encore indéterminée, mais il a fallu tout nettoyer pour éviter que l'accouplement baignant dedans ne projette tout sur les parois de la cale. Apparemment c'est encore le réservoir avant droit qui fuite, mais cela semble assez bizarre puisque ce problème avait normalement été réglé. A étudier donc à Hamilton.

L'équipage est maintenant complètement amariné et nous avons commencé à cuisiner chaud et manger un peu mieux. Patrick souffre encore de sa cuisse malgré anti-douleur et crème à la cortisone. C'est le comble, c'est le toubib qu'est pas bien. Lui qui avait emporté une belle pharmacie avec le secret espoir de m'opérer en pleine mer, voilà que c'est moi qui envisage l'amputation avec le couteau à pain. Quoique j'hésite. C'est comme la pêche, nous n'avons encore rien fait à cause du sang partout.

Nous avons toujours nos problèmes de pilote qui ne marche plus tout maintenant. Le fournisseur, vraiment très correct, va nous en envoyer un sous garantie aux Bermudes, malgré qu'il ne le soit plus. Du coup nous barrons du matin au soir et ce n'est pas une mince affaire car le bateau a tendance à zig-zaguer (non non, ce n'est pas l'équipage, les boissons alcoolisées sont interdites en navigation. N'empêche que je vis dans la hantise d'un avion des coast guards américains qui s'interrogerait sûrement pour savoir si nous carburons au diesel ou au gros rouge). Nous faisons des quarts de deux heures. Pour ma part, c'est le maximum,  après je m'endors même debout. Il faut dire que la tiédeur nocturne, le balancement incessant du bateau et le ronron du moteur, tout y est pour la berceuse. J'ai une pensée admirative pour notre lointain prédécesseur, Marin-Marie, qui avait, si ma mémoire est bonne, deux pilotes dont l'un était constitué par une petite voile et un système de biellettes. Lui aussi a connu des soucis, ce qui ne l'a pas empêché de faire une magnifique traversée sur un itinéraire bien plus difficile que le nôtre.

Si tout va bien, nous devrions arriver jeudi dans la journée.
 
19 mai 2008  
 

Position ce matin à 6h25 (local)
Latitude: 25°14'599N
Longitude: 64°12'011W
Distance à l'arrivée: 415 miles
Distance parcourue en 24h: 165 miles
Vitesse moyenne: 6,875 noeuds
Consommation: 114,8 litres
Consommation horaire: 4,783 litres/heure
Consommation-distance: 0,6958 litre/mile
Baromètre: 1019,5 mb
Mer belle
Houle: 1,50m
Temps: magnifique, ciel très dégagé, seulement quelques cumulus dans l'est
Température extérieure: chaude

La journée d'hier s'est très bien passée. Mais justement, comment se passe une journée me direz-vous? La nuit nous alternons les quarts. J'ai repris après deux heures de sommeil le quart à 6h15 tandis que Patrick descendait dormir jusque 8h. Durant mon quart, profitant que le bateau est relativement stable sur sa route, j'ai déjeuné rapidement, chose qu'à faite Patrick en se levant (son sacro-saint bol de lait condensé avec un peu de café dedans). Ensuite nous attaquons la journée de travail. Un petit coup d'oeil dans le moteur où tout semble correct, puis installation de l'internet. Peut-être certains se sont-ils demandés comment nous arrivions à communiquer par mail. C'est tout simple, l'ordinateur est connecté au téléphone satellite et utilise un logiciel particulier pré-formaté pour se connecter. Lors de la connexion, le système est bi-directionnel, puisque les messages entrent et sortent en même temps. Il faut donc installer l'onduleur qui va fournir du 220V à l'ordinateur, lequel est posé sur le tableau de bord dans une boîte qui le protège. Ensuite commence la rédaction des mails, notamment le collectif, et d'autres plus particuliers ou personnels. C'est aussi le moment de se rappeler les adresses manquantes et de complèter le carnet d'adresses. Tout cela prend largement plus qu'une heure avant de lancer l'échange de courriers où certains mails peuvent attirer des réponses immédiates, ou attendre le lendemain. Une fois tout cela fait, hier par exemple, nous avons pris une météo. Nous ne le faisons pas tous les jours parce que l'échange de fichiers prend presque dix minutes et il faut économiser notre forfait pré-payé. D'un point de vue plus technique, nous travaillons avec le logiciel Maxsea, lequel permet de demander ce que l'on appelle des fichiers Grib. La demande est donc rédigée sur une page spéciale dans le logiciel qui permet de préciser la demande en ce qui concerne la zone géographique et la nature des informations souhaitées. Dans notre cas, nous demandons la pression au niveau de la mer, le vent et la houle. A noter que ce sont là des fichiers de base professionnels (les mêmes qu'utilisent les météorologues) et que donc les fronts par exemples ne sont pas dessinés.
Il faut donc un peu d'expérience pour les comprendre totalement, mais ceci dit, les informations données sur une période de 7 jours permettent une bonne prévision. Une fois l'envoi fait (deux lignes de mail), une dizaine de minutes après on relève les mails, on extrait le fichier par winzip et ensuite il reste plus qu'à l'ouvrir dans Maxsea. Il se superpose alors à la carte sur laquelle figure d'ailleurs un petit bateau, nous. L'ordinateur possède en effet son propre GPS (merci l'Ile Marine à Saint Martin, cadeau de départ) et nous positionne donc sur la carte. Maintenant il ne reste plus qu'à faire défiler les jours de la prévision pour voir ce qui nous attend.
Et justement, l'arrivée promet d'être un peu plus musclée que pour le moment avec 15 à 20 noeuds de vent et 2,5 à 3m de houle. Rien d'alarmant cependant. Quand j'étais sorti il y a quelques semaines, il y avait 30 noeuds et 4m. Sans problèmes.
Hier nous avons cependant eu dans cette belle mécanique un petit grain de sable informatique qui finalement, toutes opérations confondues, nous a coûté toute notre avant midi. En effet au moment de demander le fichier Grib, Maxsea ne démarrait pas le bon navigateur. Pour une raison inconnue c'était maintenant Netscape qui était devenu notre navigateur par défaut alors que Maxsea travaille avec Internet Explorer. Du coup, impossible d'avoir le panneau de demande de fichier. Après bien une heure de recherche la solution a été trouvée. Ouf.
Toutes ces émotions nous ayant creusé l'estomac et comme il était déjà pas loin de midi, nous nous sommes contentés d'ouvrir une excellente boîte de cassoulet au confit de canard. Après la sieste j'ai entrepris de visiter le compartiment technique pour découvrir qu'il y avait beaucoup d'eau. S'il y a une chose en mer que j'apprécie, c'est que chacun reste chez soi, et donc la mer dehors. Or, ce ne sont pas moins de 60 litres que j'ai évacué. Sans doute toujours le problème non résolu avant le départ des clapets anti-retour sur les décharges des pompes de cale. Cette fois, j'ai relevé la pompe largement au-dessus de la flottaison pour voir si le problème disparaissait. Mais j'y reviendrai.
Ensuite, nous avons transféré du gasoil. Je dis nous, parce que Patrick est le plus souvent à la barre (notre pilote ne marche toujours pas) tandis que je vaque aux occupations qui nécessitent une connaissance du bateau. Une fois le réservoir journalier rempli, je me suis attaqué au pilote (c'est d'ailleurs en allant chercher le WD40 que j'ai trouvé le compartiment plein d'eau). Un coup de WD40 sur les relais, puis vérification du pilote. Toujours rien. Essai en manuel, là les relais fonctionnent et la pompe forcément. Du coup nous rebranchons le pilote, et là, surprise, il accepte de marcher. Sensationnel. Patrick n'en revient pas de la qualité du cap. Mais 55 minutes après, re-panne. Par la suite il a encore fonctionné épisodiquement après des arrêts plus ou moins prolongés.
Patrick a d'ailleurs profité de ce moment de répit à la barre pour tenter de s'y retrouver dans le manuel du GPS pour le formater un peu mieux.  Ces manuels sont vraiment très mal foutus. Ils sont écrits par des gens qui connaissent parfaitement leur produit sans vérifier, j'imagine, que des personnes ne le connaissant pas vont comprendre.
Durant cet intermède où le pilote nous a fait la grâce de bien vouloir fonctionner, nous avons eu une famille de cinq dauphins qui sont venus une minute jouer devant le bateau. Vers les 16 heures, comme Patrick est encore à la barre, j'en profite pour lancer le repas du soir. Au menu, choux de Bruxelles, pommes de terres sautées aux petits lardons fumés, le tout mélangé et soigneusement salé.
Avis de l'équipage (Patrick) c'est meilleur que cela ne sent! Après cela, le soir tombe et la ronde des quarts de nuit commencent. Ce matin, vérification du compartiment et j'y trouve encore de l'eau (environ 8 litres) qu'on ne peut plus imputer cette fois à la pompe. Après assèchement, je vois toujours un peu d'eau qui suinte par moment provenant d'un coin, mais d'où??? Impossible à déterminer. Le problème avec l'eau c'est qu'elle peut rentrer à un endroit et sortir loin après. Pour le moment le mystère est total. A priori, il n'y a pas de danger immédiat, mais cela reste préoccupant et à surveiller.
Nous venons de croiser un gros car-carrier immense et notre radar qui n'attendait que cela pour nous épater n'a rien vu..... Il doit encore y avoir quelque chose que nous n'avons pas compris, ou alors il est lui aussi en panne, ou bien il n'aime pas le roulis. Pourtant, on ne bouge pas beaucoup et certains qui ont le même sur un voilier, donc forcément incliné, me disent que cela fonctionne très bien. Bizarre. Bref, heureusement que nous avons
encore nos yeux.
Nous devrions arriver jeudi matin à Saint Georges aux Bermudes. Nous avançons très vite pour le moment avec parfois des vitesses fond de 8,2 noeuds. Merci le Gulf Stream.
Pour le reste, rien à dire, tout tourne rond.

 

 

 

Patrick occupé à faire un mail qui partira par le satellite.

20 mai 2008  
 

Position à 06h25 (10h25TU)
Latitude: 27°47'610 N
Longitude: 64°02'985 W
Distance à l'arrivée: 263 miles
Distance parcourue en 24h: 152 miles
Distance depuis sxm: 587 miles
Consommation en 24h: 114 litres
Consommation horaire: 4,75 litres/heure
Consommation-distance: 0,75 litres/ mile
Régime moteur: 1450 tours/min
Vitesse moyenne: 6,33 noeuds
Temps: beau, légèrement nuageux (50%), cumulus et quelques cirrus,
ensoleillé.
Mer belle, houle de SW 1,5m
Vent: SW 5 à 7 noeuds

Observations: un super tanker croisant notre route à l'horizon dans notre sud, une bande de dauphins pendant quelques minutes, rares oiseaux, un goéland, des sternes, plaques d'algues dérivantes, pas de traces de pollution. Les mouvements du bateaux sont assez rapides et amples du fait que nous prenons la mer par notre hanche arrière babord. Sans pilote, il est malaisé de suivre une route, nous faisons dans la réalité certainement plus que la distance parcourue entre deux points du fait des zig zag de 30 à 40°, parfois même plus. La gîte ne doit pas dépasser dans les plus grands coups 15°.

La journée d'hier s'est passée sans soucis particuliers. L'assèchement du coffre arrière n'a pas permis de déceler d'où venait l'eau. Ce matin il semble y en avoir très peu, donc je suppose que cela provient de l'eau qui était stockée sous le réservoir gauche qui se vide progressivement. L'équipage se porte bien, même si Patrick souffre toujours du muscle de sa cuisse.

On a essayé de capter quelque chose sur la petite radio marine de Patrick pour voir si le monde existait encore, mais sans résultat en français. Pas de RFI.

Pour le moment la prévision d'arrivée nous met jeudi très tôt le matin. Mais comme on va sans doute ralentir du fait du renforcement de la mer et du vent, ce sera sans doute peu avant midi que nous ferons notre entrée à Saint Georges.
 
21 mai 2008  
 

Position ce matin à 07h25 (11h25 TU)
Latitude: 30°14'874 N
Longitude: 64°04'512 W
Distance à l'arrivée: 118 miles
Distance en 25h: 145 miles
Vitesse: 5,8 noeuds
Consommation: 108,5 litres
Consommation horaire: 4,34 litres/heure
Consommation-distance: 0,7483 litres/mile

La journée d'hier s'est déroulée a peu près normalement. Nous avons toujours ce problème de fuite de gasoil dans la cale moteur en provenance semble-t-il d'un drain de réservoir. Ce qui fait qu'en fin de transfert de gasoil vers le day tank, nous arrêtons le moteur pour nettoyer la cale. Eprouvant, mais nécessaire car l'accouplement fini par baigner dedans et projette tout sur les parois. De plus, il y un risque d'incendie non négligeable. Hier j'avais vidé ce réservoir et j'espérais le problème en partie réglé, mais ce matin, c'est pire que jamais. Il est vrai qu'il rester dedans une quarantaine de litres.
Nous avons eu aussi le plaisir d'être appelé par Anneka de France Inter et sommes passés dans l'émission de Eric Lange Allo la planète.
La nuit a été très éprouvante. Les effets de la dépression qui se trouve au nord des Bermudes ont commencé à se faire sentir et la mer a grossi augmentant sensiblement les mouvements du bateau. J'ai même réduit la vitesse, parce que dans l'obscurité il était malaisé de sentir la mer et faire une route appropriée. Au petit matin, au vu de la mer, nous avons changé notre course plus vers l'ouest de manière à prendre les vagues un peu mieux. La nuit nous les prenions sur la hanche bâbord arrière et cela nous faisait surfer tout en glissant en travers sur un autre trajectoire. Maintenant nous prenons, du moins nous essayons de prendre la vague plus par le travers, plus ou moins parallèle et en attaquant parfois en oblique quand une vague plus haute se présente. Les plus hautes justement font à peu près 3m et globalement, pour les marins, on pourrait qualifier le temps à la limite entre frais et grand frais. Autant dire que ce n'est vraiment pas confortable du tout et que nous aspirons à demain matin à notre arrivée aux
Bermudes. Nous en sommes au moment ou je clôture ce mail acrobatique à 94 miles.
22 mai 2008  
  Alors aujourd'hui, ce sera très bref, avec seulement le plus important: nous sommes arrivés. Cela n'a pas été spécialement d'ailleurs une partie de plaisir. Autant les premiers jours se sont bien passés, autant les deux derniers jours et les deux dernières nuits ont été pareils à ce que je craignais: affreux. Comme prévu le temps s'est dégradé et la mer pas franchement mauvaise, mais affectant quand même jusque trois mètres de creux nous a beaucoup secoué car elle nous arrivait sous un mauvais angle. Les deux nuits ont été infernales avec même des arrêts en panne parce qu'on n'y voyait plus rien et que cela devenait dangereux pour le bateau (comme on ne voyait pas ce que l'on faisait, qu'on ne voyait pas les vagues, c'était vraiment à l'aveuglette). A ce sujet, celui-ci ne nous a jamais inquiété. Il passe formidablement, roule comme tous les trawlers, parfois sous l'impulsion d'une vague à un angle impressionnant, mais sans jamais donner de sentiment d'insécurité. Il me fait penser à un bonhomme têtu qui contre vent et marée avance, avance.... Bref, j'ai confiance pour la suite. Là ce soir nous avons été formidablement accueilli avec journalistes et télévision. Le yacht club nous offre la nuit et peut-être le week-end une magnifique chambre, le quai gratis, bref, super.
25 mai 2008  
 

Hamilton, Bermudes

Royal Bermuda Yacht Club

Nous sommes donc depuis maintenant trois jours aux Bermudes et, bien reposés, c'est le moment de faire un petit point de la situation, ainsi qu'un petit retour en arrière.

Donc, nous avions quitté Saint Martin par un temps vraiment idyllique, mais tout en sachant que les derniers jours ne seraient pas aussi agréables. Et cela n'a pas manqué. Mardi, la mer a commencé à se creuser, le vent à se renforcer, sans d'ailleurs que ce soit bien méchant. Mais ce qui est anecdotique pour un super yacht, ou même un bon voilier de 15m, l'est beaucoup moins pour nous avec nos 6,50m. C'est surtout l'orientation de la houle qui nous a gêné plus qu'autre chose. Malgré tout, mon vaillant petit bateau a taillé bravement sa route, sans vraiment, il faut le dire, se soucier de l'état de la mer. Une chose vraiment remarquable est l'hélice que nous avons, une Autoprop, qui est à pas variable. Du coup, quel que soit l'état de la mer, elle s'y adapte et le moteur varie à peine de régime. Avec sa masse imposante (un peu plus que cinq tonnes, il passe sans problème, les vagues ne le ralentissent quasi pas et le moteur grâce à l'hélice maintient imperturbablement son régime. Je dois avouer que cela a un petit côté rassurant. C'est plutôt du côté de l'équipage que cela va moins bien. Non que nous soyons malades, les premiers jours nous ayant amarinés, mais c'est surtout qu'il devient malaisé de se nourrir convenablement. Il faut quand même imaginer, heureux terriens, ce que cela représente de se mouvoir sur un plancher qui fait 2,80 mètres de long sur 50cm, en deux étages, et qui bouge sans arrêt de 10 à 15° bord sur bord..... (parfois un peu plus dans les embardées). Dans ces conditions, mettre une casserole sur la gazinière pourtant sur cardan, cuisiner des petits plats, n'est certes pas impossible, mais relève d'un courage que nous n'avons pas tous les jours.
Bref, les dernières 40 heures ne nous laisseront pas un souvenir impérissable de béatitude. Les nuits furent extrêmement éprouvantes. Dans l'obscurité, le bateau continue à tailler sa route, répondant sans arrêt aux sollicitations du barreur comme à celles de la mer, bien plus puissantes, opiniâtres et contraignantes. Mais surtout aussi, par comparaison avec un voilier, bien plus rapides. Le bruit la nuit prend une acuité particulière. Aussi, quand on cède le quart pour aller prendre un repos bref (2h) et bien mérité, la sensation là en bas est extraordinaire. On a vraiment l'impression d'être lancé à 100 à l'heure dans un train fou qui fonce devant lui. Un peu comme dans ces parcs d'attractions où l'on vous plonge dans le noir pour vous faire foncer dans tous les sens sans jamais vraiment savoir dans lequel. C'était à un tel point que Patrick, moins expérimenté, n'a pu assurer son quart et que nous avons alors préféré laisser le bateau à la dérive trois heures le temps que je me repose. Une fois le jour levé, il a pu à nouveau reprendre son quart.
C'était peu avant d'arriver à Saint Georges. Arrivée d'ailleurs assez surprenante, d'abord parce qu'elle s'est bien faite attendre, et surtout parce que très près de l'île, on ne la voyait toujours pas. Mais le plus étonnant, c'est quand à 6 heures au matin, alors que j'essayais de dormir un peu, Patrick me réveille pour me dire qu'on appelle Spirit of Arielle. Une particularité des Bermudes est qu'il faut se signaler au contrôle 30 miles avant l'arrivée et répondre à un tas de questions. Mais se faire interpeller nominativement alors que vous êtes encore à cent lieues de voir l'île, est quand même surprenant. En fait, nous l'apprendrons par la suite, nous sommes attendus, et sans doute par le radar, le contrôleur a vu un spot et a appelé. C'est peut-être un peu fatigant, mais c'est surtout très agréable. On se sent un peu moins seuls au monde. Mais alors, à peine réveillés, après plusieurs dizaines d'heures éprouvantes, se faire interpeller, amicalement certes, pour savoir qu'elle est la couleur du bateau, quelle est la marque du radeau de survie,combien on est, si nous avons une balise de détresse, quel est son numéro, le numéro du bateau,
etc, etc, c'est une rigueur administrative un peu pesante.
Enfin, peu à peu, l'île est sortie des brumes matinales (fortement teintées de pluie, mais j'étais gentil) et quelques détails sont apparus. D'abord qu'elle n'est pas très haute, bien verte (suspectement verte diraient certains...), mais aussi bien construite, et avec parfois d'imposants immeubles. Beaucoup de vestiges historiques, forteresses notamment.
Comme il nous avait bien été recommandés de reprendre contact avec Bermuda Radio 3 miles avant la "sea buoy", nous avons religieusement respecté la consigne (à 0,6 mile près) pour nous entendre dire que le chenal était libre. Ah bon, mais vous savez, on n'est pas très gros. Je dois avouer que cette remarque ironique (in petto), a trouvé toute sa contradiction un peu plus tard. En effet, le chenal d'accès doit faire à tout casser 50 m de large et se croiser avec un paquebot serait un suicide, même pour nous. D'ailleurs, nous avons à la sortie croisé une navette qui dévale là-dedans à plus que trente noeuds, et je dois avouer que je n'aurais pas aimé l'y croiser. Un point à porter à l'actif des bermudiens, c'est leur souci du balisage. Alors là, ils ont fait très fort, parfois pas à bon escient à mon sens, mais bon. Nous cherchions donc la "bouée de mer" marquant l'entrée du chenal. Au début, on ne voyait rien, visibilité oblige. Mais peu à peu une première bouée est apparue, puis une autre et encore une autre. Quand Patrick qui a des meilleurs yeux que moi (avec ses lunettes) me dit qu'il en voit au moins quatre ou cinq alors qu'on n'en cherchait qu'une, j'ai commencé à douter, mais après, quand pour rentrer dans le chenal il fallait en trouver une appelée 6 et qu'on en trouve deux, cela devient un peu plus compliqué. Ajoutez à cela que je ne vois pas très bien de loin, et que Patrick ne voit pas les couleurs (il est daltonien) nous formions
un couple détonnant pour la navigation .  Enfin après quelques zig zag qui m'ont fait espérer que c'était l'heure du déjeuner pour les contrôleurs radar, nous avons fini par trouver l'entrée du chenal d'accès. Faut vraiment le savoir. C'est tellement bien balisé, qu'après coup vous vous demandez comme vous avez pu faire pour douter, mais sur le moment même, c'est un vrai casse-tête.
Les consignes étant de reprendre contact à la bouée 7, nous y recevons les informations de localisation. Quelques minutes après nous sommes à un quai sans doute plus habitué à recevoir des méga-yachts que notre petit bateau, vu l'écartement des planches, mais nous arrivons quand même à accoster sans problème. Direction, les douanes, l'immigration. Pendant que nous sommes à remplir les papiers avec deux sympathiques fonctionnaires, on me transmet un appel téléphonique. C'est le gars de Bermuda Radio qui n'a sans doute pas tout compris, et qui me repose globalement à peu près les mêmes questions. Il termine par me demander quel est notre ETA à Hamilton, car Ralph Richardson, le commodore du Royal Bermuda Yacht Club où nous sommes attendus, nous y attend avec la presse et la télévision. Quelle célébrité. On vient seulement de faire une petite ballade de 850 miles.....
Chose assez surprenante, les deux sympathiques jeunes femmes, pas si sympathiques que cela tous comptes faits, nous piquent nos fusées. Je ne sais pourquoi, mais apparemment ils aiment pas trop cela sur les bateaux. Moi j'aime pas trop m'en séparer, mais la loi est la loi. On reçoit un beau ticket et j'espère bien les revoir en revenant faire la clearance de départ, ce dont elles m'assurent. Et si j'en ai besoin entre-temps, parce que pour aller à Hamilton, il faut quand même ressortir en mer....? Pas de problème, vous n'aurez pas de problème. Alors d'une part quand je vois le trajet cauchemardesque que nous avons dû faire après, et surtout ce qu'on nous raconté que l'île est entourée de centaines d'épaves tant la navigation y est dangereuse, je me pose quand même quelques questions sur le niveau mental du fonctionnaire qui a pondu un tel règlement. Mais bon.... A la décharge des bermudiens, je dois avouer que lors d'une soirée au club, les locaux ont trouvé cela aussi très curieux, d'autant que eux ont leurs fusées à bord. Cherchez pas à comprendre. J'espère seulement revoir mes fusées.
Donc, après ces formalités, nous avons repris la mer. Entre-temps, la journée qui avait l'air de s'améliorer a commencé à se dégrader. Le ciel lourd de nuages réduisait de plus en plus la lumière tandis qu'il fallait emprunter un chenal bordé de bouées. Très vite, ce qui était annoncé par le commodore comme une ballade de 90 minutes a viré au cauchemar. En effet, nous avions la mer de face et le vent de face. Un méchant clapot de 1m, mais très court, à peine la longueur du bateau, nous faisait tosser sans arrêt. Moins d'ailleurs en accélérant, mais alors les paquets d'embruns embarqués nous masquaient régulièrement la vue. Dans ces conditions, chercher les bouées, entre un myope et un daltonien, relève de la gageure. Pourtant, peu à peu, nous avons gagné du terrain, en même temps d'ailleurs que la pluie qui s'est vraiment crue obligée de dégrader encore un peu plus l'accueil. Après une heure, je croyais bien qu'on allait finir par avoir des soucis, car les bouées écartées de un à un et demi mile n'étaient quasiment visibles qu'à une centaine de mètres. Patrick les repérait, moi je voyais la couleur, et finalement on arrivait à se faufiler dans le chat de l'aiguille, entre deux. De temps en temps nous nous faisions dépasser ou croiser par une navette, sorte de gros catamaran qui a plus de trente noeuds fonce, sans doute guidé par son pilote et le GPS. Ben voilà justement, si nous avions su le temps que nous aurions, nous aussi nous aurions mis nos waypoint GPS. Bon, nous n'aurions pas eu le pilote, toujours en panne, mais au moins aurions-nous pu suivre notre route. La fin du chenal jusque-là très large s'est rétréci tout en s'incurvant à angle droit, le tout dans un brouillard d'embruns, de pluie et de buée sur les carreaux rendant toute visibilité complètement aléatoire. En plus, les essuies-glaces ont choisi ce moment pour se mettre en berne, ce qui fait que c'était vraiment à l'aveuglette que nous allions. Et là, il faut bien l'avouer, nous avons bien failli perdre le bateau. Ce qui nous a sauvé, c'est que nous étions à marée haute (tient, j'ignorais même qu'il y avait des marées ici, comme quoi, lire les instructions nautiques avant, ce n'est pas forcément idiot). Parce qu'à un moment nous avons vu un joli petit phare blanc, rond, sur un petit cailloux et que nous avons cru, tellement il avait l'air bien, qu'il marquait l'entrée du chenal. En fait, pas tout à fait, il marquait surtout un champ pavé de cailloux que notre faible tirant d'eau et la marée haute nous ont fait survoler. C'est plus tard, le commodore du club qui, lui ayant dit où nous étions passés, nous a révélé l'extrême danger que nous avions côtoyé.
Là-dessus, je vois au loin un Sélène, gros trawler américain qui rentre plein pot, sachant manifestement où il va. Je décide de lui emboîter le pas, survolant donc ce fameux champ de cailloux, craignant à chaque mètre toucher l'écueil fatal. Le Sélène allant très vite, il disparaît dans le mur de pluie tandis que soudain c'est une navette qui nous arrive par l'arrière. Bon, nous sommes donc dans le chenal, c'est déjà cela. Chenal balisé, paraît-il, mais j'ai pas bien compris comment. Toujours est-il qu'à un moment nous nous retrouvons dans une vaste étendue d'eau parsemée de quantité de petits îlots, et par-ci, par-là, de bouées.
Notre carte Iolaire en montre bien quelques unes, mais tout n'a pas l'air de correspondre. Il y a un peu plus d'eau donc j'avance vers ce que je crois être le passage pour finir par me décider, comme il est 5 heures, l'heure du rdv au yacht club, de les appeler. C'est là qu'aura lieu cette conversation qui restera dans les anales du yacht club. Je la traduis pour les récalcitrants à l'anglais.
-"bonjour, ici Spirit of Arielle, nous sommes attendus chez vous, mais on voit pas bien comment y arriver."
-"Voyez-vous un gros immeuble rose?"
-"comment voulez-vous que je voie un immeuble, rose en plus, quand tout est gris grâce à la pluie?"
Moment de silence.
-"où êtes-vous pour le moment?".
-"On vient de passer une bouée 55".
-"On vous envoit un canot".
En fait, nous trouverons tout seul le temps que le canot arrive, nous serons dans le passage qui donne accès à Hamilton. Mais le dinghy avec le dock master nous conduira quand même jusqu'au quai où nous attend un personnage sous un parapluie, armé d'une bouteille de champagne et de deux verres, que j'identifie directement pour avoir vu sa photo sur internet comme étant le Commodore. Les premières amarres posées, il se précipite vers nous tandis que je l'interroge de suite pour savoir s'il fait toujours comme cela chez eux, ou s'ils ont spécialement commandé le temps pour nous. Cela ressemble par trop furieusement à l'Angleterre, ce qui historiquement se justifie.
Mais rapidement, sous la pluie, il faut gagner l'abri du yacht club où nous attendent journalistes et curieux. On nous présente, une charmante jeune femme d'une télévision locale nous interroge, puis fait une interview devant la caméra, puis plusieurs journalistes, à chaque fois il faut boire un coup de champagne. Le photographe n'est jamais content, il faut recommencer, puis c'est un autre, le niveau de la bouteille descend, et nous, déjà pas trop assurés sur ce sol qui bouge encore comme c'est pas possible, de moins en moins stables. Mais tout se passe bien, tous ces gens sont vraiment gentils, et surtout, ce sont des marins qui apprécient ce que nous venons de faire. Dame, 850 miles sans escales sur un petit bateau de 6,50m il n'y en a pas beaucoup qui pourraient le faire.
Rapidement nous nous retrouvons dans un chambre confortable mise à notre disposition, puis quelques minutes plus tard un plateau copieusement garni y fait son apparition. La nuit nous sera vraiment douce, avec, pour une fois depuis longtemps, plus que 2 heures
d'affilée. Patrick profitera seul de la chambre, étant donné ses problèmes de dos, tandis que je dormirai dans mon petit bateau où je me sens quand même beaucoup mieux. Le lendemain, la remise en ordre du bateau commence, comme les premières incursions en ville pour en étudier les ressources, notamment shipchandler, bricolage, alimentation, etc.... L'avantage d'arriver dans un yacht club est de faire directement partie, plus ou moins, d'une petite famille. Dès que nous avons un problème, il y a toujours une ressource, le plus souvent au sein même du club. Ainsi, mis au courant des problèmes de santé de Patrick, le Commodore l'a directement mis en relation avec le meilleur chirurgien orthopédiste de l'île qui, justement, est membre du yacht club.
Ce club est d'ailleurs à l'image de la vieille angleterre. Vieux salons au charme désuet, vitrines remplies de coupes, murs couverts de photos parfois vieilles d'un siècle (le club a été créé en 1844), où se côtoyent rois et reines, princes et monarques de passage, plaques de navires visiteurs, demies-coques, parfois de voiliers de légende, comme Endeavour, bibliothèques que l'on imagine fort bien réceler de vieux trésors, bref,l'atmosphère typiquement british, que, je l'avoue, j'apprécie particulièrement, même s'il faut bien le dire, c'est un peu anachronique. C'est anglais quoi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La marina du Yacht Club

 

 

 

 

 

 

 

Spirit of Arielle devant le Royal Bermuda Yacht Club, le lendemain de l'arrivée.

 

 

 

 

 

 

 

L'un des salons superbement décoré de demies-coques de bateaux.

 

 

 

 

 

Le journal local relate notre arrivée.

 

 

Un oiseau très commun,.... et très bruyant, mais sympathique.

29 mai 2008  
 

Article à paraître dans le Saint Martin Week.

 

 

Les surprenantes Bermudes

Les quelques jours que nous avons passé à Hamilton ne nous ont pas trop donné l’occasion de faire du tourisme, car il fallait avant tout remettre en ordre tous les petits détails qui avaient cloché durant la première étape. Néanmoins, assez rapidement, au fil des quelques visites, des rencontres, nous pouvons dresser un premier constat. Tout d’abord, c’est une ancienne colonie britannique, qui fait toujours partie depuis son indépendance du Commonwealth, et il est vain de vouloir cacher que le côté british est ici à son comble. Assez surprenant sous les tropiques de retrouver le charme de la vieille Angleterre. Ce qui interpelle immédiatement, c’est l’extrême propreté de tout l’environnement, non seulement les immeubles, les maisons, les jardins, les parcs, les rues, les trottoirs. Tout est nickel. Je crois bien que si j’avais trouvé un papier par terre, je l’aurais rapporté à Saint Martin en souvenir. L’architecture un peu victorienne de certains bâtiment, mêlés à d’autres plus modernes ou dans un style qui n’est pas sans rappeler certaines constructions de nos voisins hollandais, côtoient des immeubles d’un modernisme classique et sobre. Tout est peint dans des couleurs un peu surprenantes, un peu pastel, mais très saturées quand même, souvent dans les tons jaunâtres. Mais on trouve aussi des bleus indéfinissables, des rouges curieux sans parler de verts extraordinaires. Sur des trottoirs magnifiquement dessinés, avec descentes pour handicapés à tous les angles, déambule une population dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’a pas l’air trop stressée par le travail. Tout semble se dérouler calmement, flegmatiquement. Le plus surprenant, c’est la tenue vestimentaire des gentlemen. Le plus clic, apparemment, est le short un peu long (style bermuda, mais un poil plus court) rose, ou rouge, les hautes chaussettes bleues foncées jusque sous les rotules, voire noires, des mocassins de préférence à boucle, et au-dessus de cela une chemise blanche, une cravate et un veston bleu. Je dois avouer que voir des messieurs d’un certain âge déambuler d’un air sérieux et pondéré dans cette tenue a de quoi amuser. Mais ici, c’est la mode.  British.

Furieusement British

Comme l’est aussi le folklore local. Ainsi, en saison, tous les mercredi, Front Street, la rue qui longe comme son nom l’indique, la mer (intérieure) est fermée à la circulation, pour cause de Harbour Night. Ainsi, sur près d’un kilomètre, les artisans exposent leur production, tandis qu’au beau milieu, devant la tribune d’honneur, un espace est réservé pour la parade musicale. Là, durant presque une heure et demie, deux groupes de musiciens se donnent la réplique. D’un côté une classique fanfare, mais habillée dans le plus pur style armée des Indes anglaises, c’est-à-dire pantalon noir avec ligne rouge, veste blanche ou rouge, chaussures avec guêtres, écharpe en bandoulières, épaulettes, chapeau colonial à pointe. De l’autre, un groupe de dix sonneurs de cornemuses en kilt, avec tartan, haut bas blancs, guêtres. Les deux groupes paradent au pas militaire dans un ordre et un alignement impressionnant, se croisent et se recroisent, composent des figures sans arrêter de jouer. Parfois ensemble, parfois alternativement.

Dans le même ordre d’idée, lundi c’était la fête nationale et l’occasion de la grande parade qui finalement se révélait être le carnaval. Pendant plus de quatre heures, les 38 groupes de majorettes (quasi exclusivement) ont défilé sous un soleil de plomb sur plus de trois à quatre kilomètres pour terminer, comme chez nous dans un village carnaval. Le plus surprenant est que la veille, nous avions vu les gens coller des bandes d’adhésif sur les trottoirs, sans très bien comprendre pourquoi. En fait, ils réservent ainsi leur place et viennent en famille, parfois très tôt le matin, s’y installer pour suivre d’abord la course cycliste, puis ensuite la parade. Certains viennent même avec leurs tentes, leur nourriture et passent ainsi la journée assis à regarder. Et manifester bruyamment leur satisfaction devant les groupes, tous plus chamarrés les uns que les autres. Et comme c’est la fête pour tout le monde, cela ne surprend personne de voir même des handicapés lourds défiler en charrette.

Une autre chose aussi surprenante, c’est la variété et l’abondance des vestiges historiques. Il n’est que de regarder une carte pour découvrir plein de forts, d’anciens bâtiments, des chantiers anciens, bref, un patrimoine exceptionnellement bien conservé. Sur le point culminant de Hamilton, trône une splendide et imposante cathédrale gothique qu’on imagine mieux à Westminster qu’ici. Extraordinaire ce que les colons anglais sont venus construire.

Une population organisée…

Dans les choses aussi un peu surprenantes et un peu en vrac, j’ai découvert que les camions incendie qui partout au monde, à ma connaissance, sont rouges, sont ici blancs et verts. Pour les lecteurs spécialistes de la construction, j’ai aussi vu que le fer à béton ici est galvanisé. Un ingénieur en structure m’a affirmé que cela leur coûtait moins cher et résistait mieux d’utiliser du galva que de mettre, comme chez nous, des additifs dans le béton.

Toujours dans le cadre des idées à étudier, le nombre de voitures ici est limité à une par maison, et encore faut-il avoir l’espace pour la garer ailleurs que sur la voie publique. Pour tous ceux qui ne peuvent avoir de voiture, le deux roues est obligatoire. On voit donc des centaines de scooters ou mobylettes, plus rarement des grosses motos,  côtoyer des voitures dans un trafic toujours très fluide. Les 4x4 sont interdits, sauf à démontrer que pour votre activité vous en avez besoin. De toute manière pour acheter une voiture, il faut obtenir une autorisation. Chose amusante, si monsieur a une maison et une voiture, et rencontre une charmante dame qui a aussi sa maison et sa voiture, il faudra en éliminer l’une des deux si d’aventure ils se mettent à cohabiter et surtout se séparer de l’une des maisons.

La circulation pour un piéton est un rêve. La plupart des traversées de rues sont protégées par des feux. Pour celles qui ne le sont pas, il suffit de s’arrêter au bord de la rue pour lque es voitures s’arrêtent. Le respect du code de la route est réellement impressionnant. D’une manière générale, on a vraiment l’impression d’une société extrêmement policée. Par exemple, dans les magasins, on vous emballe votre achat dans un petit sac en papier, à vous ensuite d’aller payer. Apparemment, cela ne viendrait à personne l’idée de partir sans payer, ce qui serait pourtant très facile. Les charrettes de grands magasins sont encore sans jetons. Pour notre provisionning, nous sommes partis avec la charrette, sans soulever la moindre curiosité, non plus que quand je l’ai ramenée religieusement. Je crois que cela ne leur vient même pas à l’esprit que je pourrais partir avec et « oublier » de la ramener.

....qui aime la mer.

Ce qui caractérise surtout les bermudiens, c’est leur proximité avec la mer. L’île est fortement découpée, la mer est présente partout, et très souvent, le plus rapide pour se rendre d’un point à l’autre est de prendre son petit bateau. Si bien qu’il y en a des milliers. De plus, ils ont l’air d’aimer cela, navigant tous les jours à la voile, au moteur, disputant des régates, formant des jeunes en Optimist, mais aussi utilisant les très nombreuses grosses navettes qui sillonnent leurs eaux dans tous les sens. Hamilton est aussi un port de mer et quand on voit l’étroitesse du chenal d’accès pour y arriver, on ne peut qu’être surpris d’y voir entrer un container ship de la taille de ceux qui viennent à Philipsburg, ou encore des bateaux de croisière, certes pas dans les plus immenses, mais plus gros déjà que ceux que nous avons à Marigot. Et tout cela à quelques encablures du Yacht Club, de très jolies villas les pieds dans l’eau et au milieu de centaines de bateaux mouillés un peu partout.

Economie.

Au niveau impôts, les Bermudiens n’en payent pas, du moins directs. Mais indirectement, tout ce qui rentre sur l’île est taxé, et parfois très sévèrement, rendant la vie extrêmement chère. Globalement, mais cela varie d’un produit à l’autre, c’est environ 30 à 50% plus cher qu’à Saint Martin, mais certains produits peuvent être cinq fois plus chers. Les sociétés ne payent pas non plus d’impôts sur le bénéfice, mais uniquement un droit annuel d’enregistrement. L’ensemble, bien organisé, a donné en moins de vingt ans une richesse extraordinaire aux Bermudes, dont apparemment le plus grand nombre a profité, même si marginalement certaines couches de la population ne sont pas encore à niveau et rament un peu. Récemment cependant la situation commence à se tendre quelque peu et le système à atteindre ses limites. L’afflux de sociétés de la finance réclame une main-d’œuvre spécialisée de haut niveau qu’elles ne trouvent pas sur place et font donc venir des expatriés qui créent un déséquilibre du fait de leur niveau de vie. De fait les loyers peuvent parfois atteindre des niveaux ahurissants (environ 1500 $ pour un studio, 20.000$/mois pour une maison avec 3 à 4 chambres)., le tout payé par les sociétés, bien entendu. Autant dire que les bénéfices qu’elles engrangent doivent être à la hauteur. Ce niveau de vie et les coûts en général ont été un frein important pour le tourisme, mais sans qu’apparemment les autorités s’en affectent. Il faut dire que de toute manière, l’argent rentre par ailleurs, et que le niveau des touristes va augmenter avec le prix qu’ils doivent débourser pour venir. Cela pousse forcément la barre vers le haut. En dehors de cela, l’île ne produit rien du tout, doit tout importer, et dans l’ensemble, les gens nous ont semblé très heureux de vivre ici.

Tourisme.

L’île, ou plutôt,les îles, morcellent un territoire assez étriqué de 35 kilomètres carrés, mais tellement bien agencé qu’on a l’impression que c’est plus grand que Saint Martin, sur lequel une population de 60.000 personnes vit. A ce sujet, je n’ai pas la statistique exacte, mais apparemment il s’agit là seulement des résidents, les non résidents rajouteraient 50%. Difficile de savoir si c’est une boutade ou la réalité. A regarder la carte, on a l’impression qu’il n’y a que des maisons et des routes partout. Pourtant, jusqu’à maintenant, ils ont réussi à protéger leur nature, et même la mettre en valeur sous forme de multiples zones protégées. Les villas sont toujours enchâssées dans de merveilleux jardins ou parcs très arborés, sur des pelouses au gazon typiquement anglais, ce qui fait que l’impression de verdure est très forte. Apparemment aussi, il pleut souvent pour arroser le tout.

Pour le peu que nous en ayons vu, les plages et les côtes sont magnifiques et je ne peux qu’espérer un jour y revenir pour découvrir une île qui me laisse un petit goût de paradis. Même si, semble-t-il, tout n’est  pas rose et que, comme partout où le développement a été trop vite, les laissés pour compte créent des problèmes du genre de ceux connus à Saint Martin : petite délinquance, cambriolages, drogue.

Le Royal Bermuda Yacht Club.

Je terminerai par un petit mot sur le Royal Bermuda Yacht Club dont le Commodore, Ralph Richardson, a eu la gentillesse de nous héberger durant notre séjour. Créé en 1844, le club a déménagé en 1933 pour occuper les bâtiments actuels. Il se dégage de ce club une atmosphère typiquement british, avec son accueil où trône un antique compas, la photo de la Reine évidemment, une galerie de tous les commodores qui se sont succédés à la barre, un salon avec ses vitrines emplies de trophées et dont les murs sont couverts de demies-coques de bateaux aux noms célèbres. Les murs sont ornés de marines diverses, les salons et le bar sont empreints de toutes les légendes qui font d’un club un vrai patrimoine. Le club sert aussi bien à ses membres venir boire un verre entre amis après le travail, comme prendre un lunch. Les ressources sont multiples avec notamment une belle marina, 850 membres ayant des cotisations variant pour les plus jeunes à 1500$ l’année jusqu’à 5000$ pour les plus de 35 ans. Il faut ajouter à cela l’aspect restauration, le club étant en effet ouvert à n’importe qui pour venir y déjeuner. A proximité des commerces, c’est l’endroit idéal pour s’arrêter.

Bientôt le départ.

Nous quitterons donc cette île magnifique avec regret lundi 2 juin sans doute pour gagner les Açores. Avec le secret espoir de pouvoir un jour y revenir la découvrir à loisir. Je dois avouer que cet aspect typiquement british, avec sa propreté, son gazon dont pas une herbe ne dépasse, son patrimoine, ses coutumes me plaît énormément. Et je ne peux que conseiller, à qui le voudra, de faire le déplacement. Il ne sera pas déçu. Quant à nous, nous reprenons notre périple, la saison avançant, nous ne pouvons traîner sur l’Atlantique.

 

 

 

 

 

Le parlement

 

 

 

 

La cathédrale

 

La fanfare "coloniale"

 

 

 

Char constitué de milliers de fleurs séchées.

 

 

 

 

Des costumes assez surprenants durant le carnaval

 

 

 

 

Une école supérieure pour jeunes filles.

 

 

 

 

 

Le carnaval

 

 

 

La côte est.

 

 

 

Une plage de la côte est.

 

 

 

 

 

Le Commodore Ralph Richardson

 

 

 

 

 

Yves Kinard et le Commodore

 

 

 

 

31 mai 2008  
 

Hamilton

Nous terminons la préparation du bateau en vue du départ lundi ou mardi, selon l'arrivée d'un colis. Patrick trace correctement le nom du bateau sur la bouée tandis que je fais la protection d'accouplement. Beaucoup de tout cela aurait dû être fait à Saint Martin, mais nous avions dit que nous partions le 15, donc il fallait partir..... Les approvisionnements ont été renouvelés, et juste avant le départ nous partirons dans un autre endroit de l'île, plus au sud-ouest, chercher le gasoil hors taxes. Tout a l'air en ordre, la météo favorable, donc cela devrait aller.

 

    Quelques photos supplémentaires:        
   
   

Fort Hamilton

  Dockyard
   

Journal de bord Bermudes - Açores >>>>>